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rise and fall and rise

Les ailes nous manquent, mais nous
avons toujours assez de force pour tomber.
Claudel


L'observation nous enseigne qu'aussitôt répété, l'extraordinaire devient ordinaire, de même que dès que cesse la répétition, ce qui auparavant passait pour fait commun prend figure de prodige: mettre un couteau dans sa poche, manger du gibier cru, abandonner les morts au sommet des montagnes afin que les loups et les renards, en se nourissant, assainissent et accomplissent le cycle naturel de la re-création perpetuelle. C'est le surprenant travail du temps. De la même façon, revenir dans un lieu familier après une longue absence fait apparaître celui-ci plus misérable, plus reserré en quelque sorte autour de cette loi inaltérable de la perspective à laquelle le souvenir, lui aussi, semble obéïr : l'éloignement rétrécit les objets. En témoigne mon récent passage à Paris. Paris, ce nom que nous tenions pour plus éclairant que celui des princesses féériques de Vienne ou de Saint Petersbourg, roule aujourd'hui un charroi d'images saccadées et attristantes au bout de ses deux syllabes. Autrefois plus belle ville du monde, Paris n'évoque plus rien que cette vie chitineuse et gluante que l'on découvre parfois en soulevant une pierre noire, et que l'on voudrait écraser du pied. Où sont les poètes et les penseurs, les mages, les conseillers, les esthètes et les philologues, les géomètres et les stratèges? Où sont les gardiens du Savoir? Où sont les belles dames aux chevilles fines, et les adolescents fiévreux qui s'entassaient tant et tant dans d'obscurs souterrains pour dresser les plans d'un nouveau monde? Ils marchent à présent dans des rues sales, ils courent comme des oiseaux sur une vitre, et se bousculent comme s'ils allaient mourir pour une cause qui en vaille la peine ; ils tournent infiniment dans le miroir glacé des places, et les trains de la gare du Nord les abandonnent à l'angle des pages arrachées dans les livres d'histoire. Il y a là de quoi moudre la plus détestable sensiblerie, les regrets les plus grandiloquents, mais je préfère mettre ceci sur le compte de l'éloignement et des effets de la mémoire, car je ne suis pas toujours très sûr de ce qui est réellement en train de changer : S'agit-il du monde, ou de mon regard sur lui?

Toujours est-il qu'à mes yeux les choses se précipitent, plus vite, peut être, que je ne l'aurais voulu, mais il faut bien un jour ou l'autre couper le cordon, rompre la nostalgie anticipée du lieu et mettre les voiles. Il faudra quitter cette ville, laisser son souvenir réduire à son tour et se déssècher comme rétrécissent et se déssèchent déjà la France, comme Prague, et Sibiu, Athènes et Budapest. Je suis heureux d'avoir connu en mes jours et mes nuits ces pays si libres. Il y a peu, c'est cet espace passé de la France que je parcourais, ses lieux anciens et familiers que j'aimais renouveler d'un héritage commun et particulier, un passé recomposé en réponse à celui de ceux qui nous y avaient précédé. Un jour, lorsqu'il sera trop tard, nous nous rendrons compte combien tout cela etait beau. Etait-ce le génie du lieu, où la manière dont nous l'appréhendions? C'était le charme gracieux, la culture d'une mystification à laquelle nous étions tous à participer, liant un temps à un espace, un acte à un décor, perpétuant le mythe de l'Héritage, de la France, ou de la vieille Europe. Mais il ne reste plus de tout celà que le feu qui couve, et la ténèbre attendant pour ouvrir ses bras que s'épuisent les derniers mots que nous avons encore en commun, que s'achève le retournement malade du logos et la division du monde par l'homme, dans l'effondrement de toute alliance, dans l'enseignement de la violence et de l'oubli, dans la fabrication à échelle industrielle de ces cons réjouis, analphabètes, acculturés, croyant être moins bêtes parce qu'ils sont plus nombreux. Je ne supporte plus ce monde, et ce que je pleure et ne retrouverai plus ici, je sais par avance que je ne le trouverai pas non plus ailleurs, alors ici ou ailleurs, quelle importance? Il y a tant de paroles et tant de silences, tant de départs et tant de retours, tant de mondes touchant du doigt les beautés de la civilisation avant de s'effondrer sur eux-mêmes et revenir au noir d'avant leur naissance. Comme le dit le vers du Diable, in girum imus nocte et consumimur igni, nous tournons dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu. Il n'y a nulle part où aller, plus de fuite possible, et on ne fuit pas, de toutes façons, ce qui vous encercle. Il ne me reste plus que la beauté du geste, la chevauchée nocturne dans la forêt saisie par l'hiver, et les traineaux d'or s'éloignant dans l'hermine secrète de la neige. Bientot l'antique demeure n'évoquera plus qu'un passé ancien, un rendez-vous avec la mémoire, où les fantômes d'un corps mort côtoient les versions antérieures d'un moi révolu, et sur lequel je serai laissé, si j'en ai le temps, à me recueillir. J'ai toujours été sensible et attentif à l'écoulement du temps, et son observation m'a souvent poussé à trouver un apaisement dans ce sentiment de permanence qui malgré tout demeure et achève le processus incessant par lequel nous perdons chaque chose en chaque instant, et en chaque lieu chaque lien. Nous ne nageons jamais dans le même fleuve, nous ne parcourons jamais le même sentier ; toujours il se divise et se démultiplie, et nos choix antérieurs disparaissent au fur et à mesure de notre avancée.

2oo7 ne sera au bout du compte que ce grand cerf blanc cerné par les gorets, trop noble pour céder au désespoir ou à la panique, et qui finalement s'écroulera avec lenteur dans la boue souillée de ses propres déjections. 2oo7 ne sera qu'un pauvre spectre, hantant les fragments délocalisés de cette immense métropole impériale dont la vue glace, sans se douter un seul instant des combats qui se livrent dans la nuit cosmique, zébrant le néant d'éclairs de verbe et d'énergie pure, et de correspondances inouïes véhiculées par des messages sans corps, fébriles, joyeux, pleins de lumière, et pour qui les guerres saintes préparées en ce moment même par les détenteurs des vérités institutionnelles, les zélotes du jihad et les maquerelles de la liberté d'expression ne sont que la plainte inarticulée de l'homme souhaitant retourner à sa propre nuit. 2oo7 sera pour moi cette trop vieille image transmise par des morts, à laquelle je vais à présent donner une signification : d'argent à deux dragons volants, ou amphistères affrontés d'azur, et trois étoiles rouges. Je ne suis plus qu'un symbole en action, un des gardiens de ce trésor digne d'être préservé pour le prochain matin du monde.

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  • Anonymous Anonymous says so:
    January 15, 2007 at 7:44 AM  

    Riche idée que la note de l'année puisqu'elle nous invite à ne pas tomber dans le psittacisme ou la chronique répétitive et, au final, redondante. Je pense quand à moi que 2007 sera une grande année, sans doute parce que j'ai vécu son passage dans la ferveur et l'espoir, comme la sortie d'un puits… Je parle de moi et pas du reste du monde bien entendu.
    Ce sera une année difficile aussi de toutes façons, voire tragique en cas d'échec (voire la dernière en cas d'essoufflement).
    Sachons faire confiance à l'intuition pour naviguer dans les eaux troubles d'une société qui s'enfonce dans le préchi-précha, la revendication systèmatique et le conformisme d'une soit disant liberté de penser qui rime avec mollesse et nivellement par le bas, voire " aculture " (j'aime bien les néologismes, ils se délivrent d'eux-mêmes et se soumettent à ceux qui les lisent, on les comprend ou on les laisse comme un plat un peu étrange).
    [Je me rends compte que ce que je viens d'écrire prone l'élitisme et j'en suis navré mais ne dit-on pas que les masses sont laborieuses ? Ah ! Ah ! ]

    À force de lire des déclinologues on va finir par se gâcher la surprise…

    J'abonde dans le sens que Paris est devenue la ville à l'odeur de pisse froide où sévissent agressivité, désorientation, mutisme du cœur et ce qui m'inquiète c'est qu'avant de sombrer les grandes civilisations ont toujours brillé de mille feux, ce qui n'est pas vraiment le cas de notre XXIème siècle commençant, chargé de ses moralistes à la petite semaine où tout le monde a son mot à dire et où tout est détourné pour son propre profit et sa propre paresse. Le retour au " néant " va se faire en douceur, comme un vieillard s'endormant près d'un feu de cheminée, quand on sera morts on ne le saura même pas… L'aspect positif se situe dans la place que nous laisserons. Nous ne sommes qu'une espèce d'engrais, de compost.
    Et il y a bien un retournement qui est en train de se produire, la métaphore du gant s'y applique, chacun sera rétribué selon ses choix, 2006 a été l'année du tri pour ma part…
    Bien à toi. top

  • Blogger radiantglow says so:
    January 16, 2007 at 3:10 AM  

    Je suis content que tu aies bien lu et compris ce texte, dont j'ai pourtant voilé les pensées les plus terribles derrière un clair-obscur poli.
    Je ne sais pas si tes propos prônent l'élitisme, pas plus sans doute que les miens, mais j'ai fait de toutes façons le choix radical de m'en accommoder. De nos jours on ne peut plus voler haut sans se faire accuser de prétention, est-ce une raison pour rejoindre le rang au ras du sol? Je suis partisan d'assumer ce point de vue avec courage et sincérité, tout en évitant le mauvais goût baudelairien (tu sais, l'Albatros ou la Fête Vulgaire). Pour celà, il faut déconstruire des décennies d'éducation, et ne pas avoir peur de perdre des amis.

    On retrouve dans ta note 2007 la ferveur et l'espoir dont tu parles, mais on a tout de même l'impression que tout celà ne respire pas exactement la sérénité. Je suppose que tout n'est pas encore joué. Mais j'ai été frappé l'autre jour par ta sincère préoccupation - même si ma conversation ne l'a pas vraiment montré (et j'en suis désolé, je suis rarement à la hauteur en live). C'est un secret de polichinelle, mais en amour il faut donner sans rien attendre en retour, et tout le reste ne vient que par miracle. Alors je suis confiant pour toi, moi aussi, parce que tu as l'air d'avoir fait ce choix, et c'est le plus fort et le plus beau, et le seul à même de porter des fruits.

    Quant à parler du monde, il est vrai que j'ai moins d'espoir. On dit que la nature à horreur du vide, c'est à dire que rien ne disparait sans qu'autre chose ne vienne prendre sa place. C'est pour celà que je me soucie moins du vieillard qui s'endort que de qui va venir frapper à sa porte dans la nuit. A supprimer toutes les barrières de la civilisation, nous finirons peut-être par nous apercevoir que celle-ci ne tyrannisait que notre pire ennemi, cet adversaire que nous avons toujours eu en nous-mêmes, et que je ne voudrais pas voir lâché sur le monde, avec sa force brutale et ses rituels de sang. Je me souviens de cette répartie piquante que tu as eu un jour où nous tarversions le quartier rouge d'Amsterdam, qu'à encourager tous les désirs, on finissait par attirer tous les démons.
    Eh bien, je crois que tu avais parfaitement raison, plus peut-être que tu ne l'imagines, et pour dire les choses simplement, je suis extrêmement pessimiste, voire parfois mort de trouille.

    Le problème des déclinologues est qu'ils sont souvent porteurs de solutions mortelles (l'ami MGD en premier). Je pense pour ma part qu'aucun retour en arrière n'est possible, et qu'avant toute chose, ce qui a commencé doit s'achever. Ceci dit, j'espère offrir en héritage autre chose que du compost, et un peu comme dans cet Office des Ténèbres qui m'avait tant impressionné quand j'étais enfant, je crois à la flamme qui refuse de s'éteindre. top

  • Anonymous Anonymous says so:
    January 18, 2007 at 2:49 AM  

    Oui, les cycles sont fait sur le principe d'une spirale qui reboucle, en fait on a l'impression d'être déjà passé par un endroit mais si c'est vrai pour l'abcisse c'est faux pour l'ordonnée, le seul endroit où rien ne change c'est le centre parce que l'axe est continu. Donc nous vivons une période d'apocalypse du début de notre existence jusqu'à sa fin (si on n'est pas interrompu par une mort brutale), hors pour vivre cette expérience enrichissante il faut nous dévétir des parures transitoires d'un temps que nous avons cérébralisé mais qui n'existe pas en tant que tel, et avec lui amoindrir la persistance de notre ego qui ne désire qu'une chose : se fixer à l'endroit où il est. Parce que c'est un voyage, et comme tout voyage qui peut se révéler initiatique il ne s'accomplit pas dans les richesses du monde, dans ses riches complications mais au plus profond du creuset humain, du cœur, centre de l'intelligence (qui est à l'homme ce que le mental est à l'humain/animal).
    Je ne me souvenais pas de cette remarque à Amsterdam et je parlais sans doute de moi en tout cas d'une expérience intime (quoi que je doute à présent), toujours est-il que les pulsions ont tendance à s'agglutiner (ne dit on pas qu'un malheur n'arrive jamais seul ? ) et cet agglutinement provoque lui-même un appel qui peut se ressentir sur différents plans.
    On n'a jamais connu de thaumaturge diabolique (à part l'obscur Raspoutine et encore c'est un mystère que ce moine à qui on a donné beaucoup d'intentions). Bref, tout fonctionne selon le mode de l'escalier, on vit des chutes successives ou des montées par paliers et notre société, se cristallisant sur un matérialisme réduit son champ de vision au sensible. Il y a des renversements intéressants d'ordre moral, on se doit d'accepter un certain nombre de codes et d'us par rapport à des groupes de personnes qui se revendiquent libres, si on a une vision ou des pratiques différentes on se fait taxer de moraliste, de réactionnaire, il est interdit parfois de donner son avis alors que le bien le plus précieux d'un être est son discernement et son droit à la différence. Tout est formaté, la notion d'Univers-Machine-Piège n'est pas fausse et elle rejoint la notion de martyrs et d'élus, notre société écrasera tout ce qui n'est pas hétérogène, tout ce qui est indépendant car les embryons à venir sont une menace. Ce qui explique qu'il faille se cacher et se travestir, toute rebellion au grand jour est un piège, tout avis divergent est un appel à se dénoncer, la transmutation est interne et quand elle a lieu plus rien ne peut atteindre le centre. C'est une localisation et l'installation d'une intelligence d'où émane quelque chose d'infini et d'indéfini.
    Le don, le désir, le pardon sont des dimensions difficilement atteignable pour l'homme, ce sont des notions qui dérangent, on préférera rester sur son impression, avec ses valeurs, croire qu'on nous a manqué de respect, situer l'intolérance chez les autres, penser qu'on détient une chose essentielle et qui pourtant est impossible à conquérir ici : la vérité, sa vérité. Avec parfois la solitude comme " preuve " qu'on a raison. Se fermer.
    Chacun sonstruit sa cellule et la peur de devoir affronter le regard de l'autre, de celui qui dit ce qu'il pense est grande, ce n'est pourtant pas se regarder en face, c'est prendre conscience de codes différents.
    Homogène, tout doit être homogène. Et pourtant, les Textes Sacrés parlent de complémentarité et de facultés émanées ensemble mais différentes dans leurs fonctions.
    Il y a un Tout et notre regard est si étroit.
    Quoiqu'il en soit le choix reste individuel et la rétribution, si elle est générale sur notre plan matérielle ne fonctionne pas comme ça sur d'autres plans, il faut bien un peu faire peau neuve… toujours est-il que la technologie ne nous prépare pas un âge d'or, elle est juste un contexte et un langage supplémentaire, la politique ne fonctionne que sur des références du passé en ayant soin d'être conservatrice, la science est à cheval sur la noblesse et l'infamie selon la main qui l'utilise… toujours des choix… mais dans tes messages le plus important est ceci : cela te concerne et toute prise de position provient d'une conscience qui cherche et qui voyage, le plus difficile est de ne pas la cristalliser comme on peut le voir dans le contexte religieux : le mental religieux cherchant à asseoir des certitudes par rapport à des groupes.
    L'indépendance c'est parfois savoir retourner à des valeurs passées et oubliées, considérées comme rétrogrades sans avoir peur des autres, sans avoir peur de se justifier ou de ne pas se justifier, chercher le bon en nous, le bon c'est à dire ce qui progresse, ce qui éclaire, ce qui transmet. Sous les craintes, sous les complexes, sous les décombres des murs que nous abattons et l'amour est une masse qui a raison de tout… mais accepter qu'un Destin global passe avant une Providence personnelle est aussi un pas vers une certaine forme de sérénité dans le chaos ambiant.
    L'acceptation est la possibilité de se donner le temps d'aimer et/ou de se contraindre à aller plus loin. top

  • Blogger radiantglow says so:
    January 20, 2007 at 1:39 AM  

    Je suis d'accord sur bien des points, même si je me sens trop petit pour prétendre à une quelconque transmutation. Mais éclairer, progresser et transmettre, c'est là une chose valable et sûre, la seule peut-être dont nous puissions être sûrs, et s'il faut se cacher pour le faire -ou du moins se mettre en retrait- ce ne peut-être qu'une difficulté conjoncturelle, due à l'époque. Un temps viendra, en tous cas je veux le croire, ou cette mission pleine de sens sera remise à sa juste place. En attendant, ce que je vois se mettre en place, c'est effectivement une machine totalitaire, douce d'apparence, parée peut-être, quoique de moins en moins, de bons sentiments, et pourtant impitoyable dans sa capacité d'écrasement spirituel et dans l'ubiquité de ses moyens de répréssion. Nous jurons nos grands dieux avoir neutralisé la machine en écrasant les nazis, alors que nous en avons juste récupéré les morceaux pour les assembler dans un ordre différent.

    Dans ces conditions, porter en soi l'héritage doux et intelligent de nos ancètres tout en assumant son destin propre et sa singularité, dépasser ses peurs fondamentales et arracher les masques de ce monde implique un effort surhumain, et terriblement frustrant aussi, parce que justement ne pouvant se faire que dans ce retrait intérieur que tu évoques, que tu pratiques aussi il me semble, sombre, intransmissible, douloureux, et dangereux parce que forçant à affronter le néant et du coup pouvant conduire au rien. Je ne veux pas prêcher dans un champ de ruines, ni me cantonner au désert, alors que je rêve d'un jardin, de sources jaillissantes et de fleurs écloses (pour parler Ronsardement)

    Intérieurement je n'ai pas tant de de doutes que ça. Je crois savoir ce que je suis, ou du moins ce que je tends à être. Je tends à la domination de moi-meme, à la force morale et à la pureté des sentiments, à la rigueur intellectuelle et à l'amour, je cultive le don de curiosité et la belle faculté d'émerveillement. Et puis j'essaie de rester attentif à la force primordiale toujours entraperçue derrière le changement des formes et des systèmes, ce coeur ardent qui est souvent le fondement symbolique et le noyau de bien des philosophies et des églises, et pourtant toujours le même mystère, qu'on le nomme l’idée, la monade originelle, la chose en soi, l’existence dans le présent, cette force qui touche l’être en ce qu'il a de plus profond et de plus vivant, et dépasse les mondes où les mots, les notions, les écoles, les confessions ont encore une importance. Je n'ai pas de mots plus précis à offrir mais je sens de quoi je parle et je suis sûr d'être bien loin de toute forme de cristallisation (à moins que le refus par humilité d'expliquer plus avant ne soit aussi une forme de cristallisation, mais je continue à explorer et interroger, alors je ne crois pas).

    C'est au fond tout autre chose qui me pose problème, car tout au long de ma vie, et plus précisément depuis cette échappée chevaleresque un peu folle que m'a conduit un jour le long du Danube puis de la Moldovitsa, je suis à la recherche d'une terre, parce qu'on ne peut pas vivre pleinement en étant déraciné, qu'on ne construit rien sans fondation et avec sa tour abolie en bagage, si je peux me permettre cette facétie nervalienne... Je n'ai jamais voulu fuir que le terrain de jeu du chaos, pour me mettre à l'abri de cette fureur sacrilège que je ne faisais alors que pressentir, et que je vois à présent s'élever dans toute sa puissance. Et j'ai toujours eu pour seul but de toucher terre un jour et de fonder, en quelque sorte, mon royaume. Un but autant symbolique que pragmatique, car je ne crois pas qu'on puisse vivre pleinement sans l'harmonie et le dialogue avec un lieu, une histoire, avec la voix des morts et leur présence douce et réconfortante dans chaque mur, chaque chemin, chaque trace. Et je n'entends plus cette voix en France, sauf sous la forme d'une nostalgie blessée, étouffée, noyée sous le béton, le plastique et l'anéantissement rigolard des communicants. Et ce n'est pas dans cette nostalgie que je tiens à vivre, ni dans la rage frustrée, ni dans la résignation, je veux une communion vivante et paisible, un accord profond et intime avec ce qui m'entoure. Au fond c'est une chose toute simple, tres terrienne, presque Paysanne.

    Je ne pense pas qu'il s'agisse, comme le faisait remarquer Neko, d'une démarche passéiste. Ces valeurs ne sont ni passéistes ni progressistes, ni d'hier ni d'aujourd'hui, elles sont au dessus du temps et des modes, et puis même on peut dire tout simplement: elles sont. Pour moi la sérénité vient d'abord de la conscience d'agir et de penser avec justesse, pour à la fin ne pas avoir à regretter ni ce que l'on a fait, ni ce que l'on a pas fait. On ne vit pas juste en attendant que ça passe. On a beau établir la présence du néant, on a beau savoir que tout revient au sable, celà n'empêche pas de bâtir des chateaux de lumière, d'ouvrir la bouche en rond devant l'incroyable beauté du monde et oui, de l'accepter, et d'échanger des messages et des chants riches d'enseignements avec le passé, le présent et le futur, et c'est peut-être bien le seul intérêt d'être humain. top